Macinaggio, moulins, tours et marins du cap (3ème PARTIE)

Publié le par Cabotages.Méditerranée

LE NAUFRAGE DE L’AMOUR

Macinaggio-ancien.jpgLe couvent Saint François a été le refuge de l’Impératrice Eugénie de retour d’Egypte sur l’Aigle, le yacht impérial pris dans une tempête. Elle témoigne dans ses écrits de l’accueil charmant de Madame Lucchetti, qui élevait des vers à soie dans les anciennes cellules des religieux. Mais la rumeur de l’histoire dit aussi qu’en fait de fortune de mer, l’impératrice avait un amant. Qui a dit que l’amour finissait toujours par un naufrage ?

Dernier coup d’oeil avant de vous consacrer à la manoeuvre d’atterrissage : au-dessus du couvent, trois pics, trois villages en hémicycle et le magnifique couvent qui épaule une église conventuelle hélas ruinée.  « Des patrons des barques m’ont assuré être venus de Livourne à vue sur le portail de l’église qui est fort élevé » écrivit Miss Thomasina Campbell dans ses Notes sur l’Île de Corse à la fin du XIXe siècle.

Doux abri que Macinaggio, marine de Rogliano, qui fût au XVIIIe siècle le port principal du cap Corse, d’où partait le courrier pour la France (Pascal Paoli écrivit plus de quinze mille lettres !), d’où Damiano Lucchetti a sauvé du naufrage les précieuses collections de tableaux du cardinal Fesch et où ont débarqué Pascal Paoli en 1790 et, trois ans plus tard, Napoléon Bonaparte.

Derrière la pointe de la Coscia qui ferme la rade, un bon mouillage par ce temps, Tamarone, la plage de Macinaggio.

 

MARINS DU CAP CORSE 

Le petit port moderne a été aménagé en 1971 sur le site où quatre siècles plus tôt en 1571, les felouques chrétiennes se sont illustrées durant la guerre contre les Turcs. En 1620 les Génois ont construit le premier port. En 1750 est installée une digue en partie transportée depuis Toulon par… l’occupant français aux ordres du Marquis de Cursay et détruit plus tard par les Anglais.

À 40 milles de l’île d’Elbe, très apprécié par les plaisanciers italiens, le port de plaisance le plus proche du continent où l’accueil est plus qu’aimable, offre 600 anneaux et une zone technique.

Macinaggio cache bien son passé exceptionnel que l’historien Philippe Lucchetti, réveille en contant le destin singulier de la marine à voile : « Les bateaux, les pinques, naviguent à l’année, même durant les équinoxes et seul l‘équipage, le plus souvent familial, change. On y trouve père, grand père, novice. Le Pinque, le pinco génois, est une barque non pontée, proche de la Tartane, un gros bateau de charge de 200 à 300 tonneaux, gréé en chébec aux voiles latines ou équipé d’antennes et de vergues portant des voiles auriques. L’arrière est équipé d’un tape-cul. Peu naufragent. Les marins du cap Corse sont de magnifiques professionnels et de grands commerçants. Pas seulement pour échanger de l’argent contre des marchandises, mais pour naviguer. Ce sont des transporteurs avant tout ». Alors que l’on dit les  Corses ont une aversion pour la mer par où arrivaient leurs ennuis - invasions et maladies - les Capcorsins sont des coureurs de mer. Si certains ont fait fortune à l’étranger, beaucoup ont été ruinés par la la marine à vapeur dont les navires, trop gros, se sont déroutés vers Bastia.

Aujourd’hui, le port est surchargé en période estivale. On le comprend. Chanceux, vous serez amarré au coeur du charmant petit village, si accueillant avec ses restaurants, boutiques en front de mer dont une bonne librairie pour ceux qui sont curieux de connaître mieux nos hôtes. Alors, n’attendez pas la fin du jour pour vous présenter à Macinaggio : «À chi primu’junghje, primu macina !» dit le proverbe corse. Le premier arrivé au moulin est le premier à moudre...


VIEILLES MÉDISANCES...

Pour plaisanter ou pour médire, on ne fait pas toujours une bonne réputation aux Corses. Déjà, Sénèque, condamné à l’exil à Bastia de 41 à 48, cherchait à se faire plaindre de sa chère maman en noircissant sa situation. Entre autres gérémiades, il disait notamment : « quoi de plus horrible que l’aspect de ce pays ?». Et à propos des  indigènes, il déclarait : « Se venger est la première loi des Corses, la seconde vivre de rapines, la troisième mentir, la quatrième nier les Dieux».

Quant au géographe grec Strabon, il écrivait : « Les montagnards qui y demeurent et vivent de brigandages sont plus sauvages que les bêtes mêmes. Toutes les fois qu’un général romain (...) en ramène une certaine quantité d’esclaves, c’est un spectacle singulier que de voir leur férocité et leur stupidité».

En revanche, Diodore de Sicile, en 44 av. J.-C. déclarait : « Ils observent entre eux les règles de la justice et de l’humanité avec plus d’exactitude que les autres barbares. (...) Le même esprit d’équité paraît les conduire dans toutes les rencontres de la vie ».

 

MAISONS ET CAVEAUX D'AMERICAINS  

Depuis le XVIIe siècle, les Capcorsins ont navigué aux Caraïbes. Beaucoup se sont expatriés à  Porto Rico, clandestins faute d’autorisation de commerce avec la colonie espagnole. Contrebandiers, ils y ont cependant été vus comme des héros pour avoir permis en 1640 à la Citadelle de survivre. Grâce à leurs goélettes plus agiles que les hauts bords hollandais ennemis, ils livrèrent à la population assiégée provisions et armes.

Alors, quand la vapeur vînt à ruiner la marine à voile de Macinaggio, c’est ici qu’ils reprirent leurs activités de transporteurs en chargeant des bateaux de canne ou de mélasse vers les raffineries d’où ils repartaient avec le sucre fini. La fortune, avant d’être ruinés par… le chemin de fer.

Maudite vapeur ! Beaucoup sont restés, s’installant planteurs de café et de canne alors que d’autres rentraient au pays. Mais tous ont fait construire sur le cap d’immenses demeures “les maisons des Américains“ et d’extravagants caveaux d’architecture antique. Dans ce maquis, ces édifices baroques créent un contraste troublant, le plus souvent émouvant.

 

 

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